Paris Match. Zahia, vous avez 18 ans et vous êtes d’origine marocaine. Quand êtes-vous arrivée en France ?
Zahia. Mais je ne suis pas du tout d’origine marocaine, je suis d’origine algérienne ! Je suis née à Ghriss, en Algérie, le 25 février 1992 [elle montre son passeport], et je suis arrivée en France en 2002 avec ma mère et mon petit frère. J’avais 10 ans.
C’est bien vous qui avez été interpellée le lundi 12 avril au Zaman café, avec d’autres jeunes femmes, dans le cadre d’une affaire de proxénétisme ?
C’est faux ! Le Zaman café n’est pas un endroit que je fréquente et je ne connais pas les filles qui ont été interpellées ce soir-là, sauf une. J’ai appris qu’elle avait été mise en examen pour proxénétisme [il s’agit d’une nommée Dora], mais elle n’est pas en prison. Je n’ai rien à voir avec les gens qui étaient dans cet endroit. La presse a écrit n’importe quoi !
Vous avez néanmoins été entendue dans le cadre de cette affaire. Comment cela s’est-il passé ?
Les policiers se sont présentés chez moi le 12 avril, vers 17 heures. J’étais absente. Ma mère, qui vient d’être opérée, était à la maison. Elle m’a appelée et je suis venue immédiatement. Les policiers m’ont demandé de les suivre, ce que j’ai fait.
Votre pavillon a été perquisitionné ?
Mais non, je n’ai rien fait de mal. Pourquoi une perquisition ? Je n’ai rien volé à personne !
Vous connaissiez les raisons de cette “convocation policière” ?
Ils m’ont demandé si je savais pourquoi ils voulaient m’interroger, mais je ne savais rien. Ils m’ont alors expliqué qu’Abou et Kamel avaient été arrêtés pour proxénétisme aggravé, qu’ils étaient sur écoutes téléphoniques depuis plusieurs mois, et qu’ils savaient tout sur mes activités...
C’est-à-dire ?
Les policiers savaient que j’avais des relations sexuelles avec différentes personnes et que je me faisais payer pour ça, par des clients, qu’ils soient connus ou non. Mais je ne suis pas une prostituée, comme j’ai pu l’entendre ou le lire ! Je ne fais pas non plus partie d’un réseau, je n’ai pas de souteneur, je ne donne mon argent à personne. Je fais ce que je veux, j’ai des relations sexuelles payantes ou non avec qui je veux. Personne ne m’y oblige et, quand je ne veux pas, c’est non.
Depuis quand exercez-vous cette activité ?
Je sors en boîte de nuit, dans des soirées, depuis que j’ai 16 ans... J’ai toujours fait plus vieille que mon âge et, quand j’ai compris que je plaisais aux hommes, je me suis dit : “Pourquoi ne pas en profiter ?” Aujourd’hui, je me considère comme une escort girl, mais pas comme une prostituée. Il m’est arrivé d’accompagner des hommes à des soirées ou en voyage, et pas seulement pour avoir des rapports sexuels.
Quels sont les endroits que vous fréquentez ?
Le Club de l’Etoile, le Palais M, le Sens, un peu le VIP. L’après-midi, je vais dans les bars des palaces du VIIIe arrondissement.
Quels étaient vos tarifs ?
Je n’ai pas caché aux inspecteurs que je demandais 2 000 euros pour une nuit d’amour. Si c’était juste pour un moment de plaisir, je ne demandais que 500 euros. Vous savez, ce sont toujours les hommes qui m’ont fait des propositions. C’est pour cela que je refuse qu’on dise que je suis une “prostituée”. Je ne suis pas sur le bord d’un trottoir ou assise sur un tabouret de bar... Je sors dans des endroits branchés, je rencontre effectivement des gens du show-business, du sport... Mais ils proposent... et je dispose.
Pourquoi, lors de votre audition, avoir donné des détails et mis en cause des stars du football ?
Vous pensez bien que je n’ai pas raconté ça pour faire la maligne ! Les policiers avaient des écoutes. Les noms de certains footballeurs avaient été prononcés ainsi que mon nom, et je ne pouvais pas dire le contraire. Je ne leur ai confirmé que ce qu’ils savaient déjà, en leur donnant plus de détails, parce qu’ils ont insisté. Ils m’ont fait entendre mes conversations avec Dora, par exemple, ou avec Abou. C’était très clair, je ne pouvais pas nier.
Sur quoi ont-ils insisté ?
La chose la plus importante pour eux, c’est que je ne suis majeure que depuis février dernier. Ils m’ont expliqué qu’avoir des relations payantes avec moi, quand j’étais mineure, c’était un délit, autant pour ceux qui ont été mes clients que pour ceux qui me les ont présentés. C’est une chose à laquelle je n’avais pas pensé. Je n’avais jamais dit que j’étais mineure à qui que ce soit. Pour moi, mineure, c’était en dessous de 16 ans. Je sors d’ailleurs seule depuis mes 16 ans.
Benzema, Ribéry, Govou... Pour vous, c’étaient des clients ?
Oui, je ne suis pas une groupie des stars de football. Le premier a été Karim Benzema. Je l’ai rencontré en 2008 dans une boîte de nuit. Nous nous sommes revus à deux ou trois reprises, mais je confirme qu’il n’a jamais su mon âge. Il était jeune lui aussi, il avait 18 ans quand je l’ai connu. Mais je n’ai eu qu’une relation payante avec lui.
Quand vous étiez mineure ?
Oui.
Karim Benzema dément vos déclarations...
Il dit ce qu’il veut. Quel serait mon intérêt de mentir ? Il y a eu des témoins qui nous ont vus ensemble. C’est bien pour ça que je ne pouvais pas nier devant la police.
Concernant Franck Ribéry, c’est plus ennuyeux car il est plus âgé et marié.
Mais c’est lui qui a été demandeur ! Je suis venue en avion, accompagnée d’un de mes amis [Kamel, actuellement en détention pour proxénétisme aggravé], à qui il avait dû demander mes services, je suppose. C’était pour son anniversaire, ses 26 ans, le 7 avril 2009. Il avait réservé un hôtel de luxe à Munich. Nous avons eu une relation sexuelle, et il m’a payée.
Vous étiez son cadeau d’anniversaire ?
Je suis un joli cadeau, non ?
Qui a payé les billets d’avion pour Munich ?
Ça, je ne sais pas du tout. Kamel a peut-être fait l’avance et s’est fait rembourser...
Pour prendre l’avion, il faut donner sa date de naissance. Si c’est Ribéry qui a pris les billets, il peut avoir de vrais ennuis avec la justice.
Je suis certaine que les policiers ont déjà trouvé qui avait payé les billets. Ce n’est pas mon problème. J’ai juste confirmé que Franck Ribéry ne connaissait pas mon âge, je ne lui ai pas dit.
L’avez-vous revu ensuite ?
Oui, à deux reprises. La dernière fois, c’était fin décembre 2009, à Paris. J’ai eu du mal à me faire payer, mais il m’a réglée quand même.
Il a été gentil avec vous ?
Je lui ai donné ce qu’il voulait. Il n’a pas été particulièrement galant ni bien élevé, ni même très sympathique. Je suis venue faire mon travail. Qu’il soit une star du football ou pas, je m’en moque, c’est un client comme un autre.
La police vous a-t-elle entendue plusieurs fois ?
Oui. D’abord, dans la soirée du 12 avril, où j’ai été interrogée plus particulièrement sur mes relations avec Abou et Kamel, qui, je vous le confirme, ne sont pas mes “souteneurs”. On est sortis en boîte ensemble, et ils savent ce que je fais. Alors, quand on leur demande mes coordonnées, ils les donnent. Il m’est arrivé de leur faire des cadeaux quand ils m’ont mise en rapport avec de “très bons” clients mais, entre eux et moi, il n’y a rien d’organisé, rien de tarifé, et il n’est pas question de pourcentage. Je ne les ai jamais considérés comme des proxénètes. Ce que j’ai fait, c’était de ma propre volonté. Les inspecteurs m’ont interrogée une nouvelle fois le 13 avril, et encore le jeudi 15 avril, sans doute après avoir entendu Ribéry et Govou. Là, les policiers m’ont vraiment mis la pression.
Pour quelle raison ?
Ils voulaient des détails, des dates, des montants, je ne savais plus. Ils ont même menacé de faire annuler ma nationalité française.
Pourquoi ? Vous êtes française ?
Bien sûr. Ma mère, mon petit frère et moi sommes devenus français après une demande souscrite en avril 2009. Ce sont les services d’Eric Besson qui nous l’ont notifié. Aujourd’hui, j’attends mon passeport. Même si je savais qu’ils ne pouvaient rien faire, j’ai eu peur et j’ai donné des détails et encore des détails. Mais j’ai dit la vérité.
Govou est-il le dernier footballeur avec lequel vous avez été en rapport ?
Je connaissais Govou, je l’avais déjà rencontré en soirée. Il m’a invitée à le rejoindre à Lyon, début mars, ce que j’ai fait. Nous avons eu une relation sexuelle. Il m’a payée sans aucun problème. J’étais majeure.
Votre famille était-elle au courant ?
Non ! Ma mère et mon beau-père ont toujours ignoré mes activités, de même que mon père, resté en Algérie. De plus, je ne sortais pas tous les soirs, ou alors je disais que je dormais chez une amie.
Vous souvenez-vous de votre premier client ?
Oui, ça ne s’oublie pas. C’était un jeune homme qui fêtait son anniversaire, très gentil et bien élevé. J’avais à peine 16 ans...
A part les footeux, quels autres clients d’un autre milieu avez-vous eus ?
Un peu tous les genres. Des hommes d’affaires qui avaient besoin d’une escort girl jeune et jolie pour briller dans les soirées, des fils de famille...
Vous avez beaucoup voyagé ?
A Dubaï plusieurs fois, et à Monaco. Mais le plus souvent, je vais à Saint-Tropez ou à Cannes.
Etes-vous déjà tombée amoureuse ?
Oui, une fois, et de façon très intense. Mais ça, c’est mon jardin secret. D’ailleurs, avec tout ce qui circule sur moi, comme il ne savait rien, je suis très triste de ce qu’il a appris.
Comment imaginez-vous votre avenir ?
J’étais inscrite depuis deux ans dans une école d’esthétique. J’ai arrêté fin février, quand j’ai eu 18 ans. Je voulais économiser pour m’acheter un institut de beauté. Je pensais continuer encore deux ans mon job d’escort girl pour mettre suffisamment d’argent de côté. Mais là, franchement, je ne sais plus... Je suis un peu perdue. Je crois que je vais tout arrêter.